J’aimerai revenir sur une nouveauté présentée par Apple lors du keynote du jour : les animojis. Si vous ne l’avez pas regardé, il s’agit d’emojis animés, reproduisant votre mimique face à la caméra. Prenez l’air furieux, surpris, heureux et l’emoji vous mimera. C’est mignon, amusant et ça travaille sur l’émotionnel qu’Apple sait si bien mettre en avant.

Mais qui y’a-t-il à dire à ce sujet ? Beaucoup de choses. Revenons d’abord sur son histoire.

L’émoji d’origine dérive d’une parenthèse et d’un double point, D’ASCII-art il est devenu une icône. Il  a émergé il y a déjà un moment dans le monde virtuel. Multiplié en une pluie d’expressions, de visages, d’animaux, d’objets, de drapeaux et symboles, on en dénombre tellement qu’aujourd’hui on peine à trouver dans le catalogue celui qui collera le plus au message qu’on souhaite faire passer.

Les langues évoluent en permanence. Elles raccourcissent, se transforment et s’optimisent au grès des époques. Vivantes, elles voient apparaitre de nouveaux mots, permettant de qualifier le nouveau monde et disparaitre d’autres éléments devenus obsolètes (je pense par exemple au point d’ironie si utile, mais disparu malheureusement). La richesse du vocabulaire permet de nuancer les propos minutieusement. Pourtant en ce début de 21e siècle on a perdu quelque chose d’absolument essentiel dans nos langues : l’émotion.

L’émoji transmet l’émotion que les mots n’arrivent plus à faire passer aujourd’hui.

L’émoji, comme une combinaison de plusieurs mots, permet d’atténuer ou d’exacerber l’idée exprimée. L’ironie en est un bon exemple, j’en suis un grand amateur. Il m’est depuis longtemps devenu impossible d’en faire preuve à l’écrit sans risquer le quiproquo avec mon interlocuteur. D’ailleurs ça m’arrivait tellement souvent de créer accidentellement des incompréhensions que j’ai moi-même pris l’habitude de coller des émojis à la fin de mes discussions. J’admets, ça m’a facilité grandement la vie.

Smiley qui sourit, qui pleure, qui rigole, combien de fois avez-vous envoyé l’un d’eux à un correspondant ? Souvent j’imagine, c’est la norme en matière de communication. La flemme aussi y contribue, trop longue à écrire une réponse, ou pire, ne sachant quoi dire, un émoji souriant fera acte de récépissé. C’est neutre, mais poli.

L’émoji permet d’envoyer une émotion sans qu’on ait à l’exprimer par écrit ou dans le monde réel. Avez-vous remarqué que les gens qui téléphonent avec un kit mains libres ont souvent toute une gestuelle avec leurs mains et qui ne s’adresse à personne ? Si si, le correspondant (audio) ne voit pas la communication corporelle. Mais humain, on continue de faire comme si la personne était devant nous. La voix transmet une émotion et notre cerveau se met alors à créer une vision plus réelle dans notre esprit de l’individu que si on lisait un simple message.

Ça m’amuse d’observer la réaction des gens quand ils sont sur leur smartphone. Ils sourient, ils froncent les sourcils, ils expriment tout un tas d’émotions qui pourtant ne s’adressent pas à au public directement à proximité (dans un arrêt de bus par ex.).

Le monde change et aujourd’hui les animojis vont créer de nouveaux comportements encore plus zarbi que ce qu’on connaissait. Imaginez quelqu’un faire semblant de pleurer dans la rue juste pour « configurer » son animoji telle qu’il l’imagine.

L’émoji nous permettait de transmettre une émotion forte, mais discrètement sans « se faire remarquer » dans l’anonymat d’une ville. L’émoji était l’émotion hygiénique, celle qu’on plaçait dans une petite poche plastique étanche pour l’envoyer sur internet. C’était pratique et discret.

L’animoji va-t-il créer l’effet inverse? Un flot de ridicules poésies urbaines aux expressions caricaturales ne s’adressant à personne directement présente ? Faudra-t-il un jour faire semblant de ne pas remarquer ces mimes de rue en train de grimacer devant leur tacticol-racloir-retina ? Je ne sais pas, mais j’adore le 21e siècle et suis impatient de le savoir. 🙂

Qu’en pensez-vous ?