Lors de mon court séjour à Paris en mars cette année, j’ai visité l’exposition au Musée du Louvre consacrée à Hubert Robert un peintre que je connaissais finalement peu.
La richesse des expositions temporaires organisées par les grands musées parisiens est indiscutable. Quand il s’agit d’organiser la rétrospective de la vie d’un peintre, ils arrivent à trouver des oeuvres majeurs des quatre coins du globe. Cette exposition ne déroge pas à la règle et j’y ai découvert le travail de ce fantastique peintre d’architecture, surnommé Robert des Ruines pour quelque une de ses toiles , notamment la Grande Galerie du Louvre en Ruine, un chef-d’oeuvre que tout le monde connait 😉
La Grande Galerie du Louvre en Ruine par Hubert Robert – Paris, Musée du Louvre
Qui dit rétrospective, dit, comparaison. C’est fantastique de pouvoir découvrir quelle a été l’évolution du travail d’un artiste durant sa vie en comparant les oeuvres entre elles. On y découvre des similitudes, des petits détails qui reviennent d’une toile à l’autre. Ce qui m’a intéressé chez Hubert Robert, vous pouvez vous en douter, ce sont ses ciels. Jamais de ciel bleu, des nuages vifs et des constructions logiques que je vais essayer de vous faire découvrir.
Le ciel est un personnage important dans une image. (Le ciel est un personnage), il donnera un caractère gai ou triste, mystérieux ou romantique à une scène. Ainsi, les teintes utilisées, la forme des nuages ou la présence de lumière ou d’ombres créera un langage qui parlera au subconscient du spectateur. Le ciel c’est une forme de présence inconsciente, le fantôme céleste de l’image, mais pas seulement …
En comparant les oeuvres de Hubert Robert j’ai découvert qu’une forme de symétrie revenait fréquemment entre sujet et ciel. Bien sûr, ça ne saute pas au visage au premier regard, c’est subtil et discret, mais l’idée existe. Le ciel n’est pas un jeu aléatoire de forme, il est organisé et construit au-delà d’un axe de symétrie virtuel qui reflète le sujet dans les cieux.
Dans le Temple de la Philosophie à Ermenonville on remarque que le regard est dirigé sur un homme au bras tendu couché sur un bloc de pierre (en bas à droite). Ce qu’on voit moins c’est le ciel, parfaitement situé au-dessus de la scène, mais en haut du tableau. Celui si à une surface similaire et une forme proche du sujet. Ce n’est pas un hasard, Hubert Robert a cherché à créer une symétrique pour équilibrer son tableau. (l’axe de symétrie est dessiné en rouge sur mes exemples).
Le Temple de la Philosophie à Ermenonville par Hubert Robert – Collection particulière
Dans le Pont en Ruine, l’axe de symétrie est installé par le pont. On retrouve l’arche dans le ciel par une ouverture plus lumineuse dans les nuages. Plus subtilement, une symétrie cette fois verticale du bâtiment à gauche et de son pendant « céleste » nuageux à droite (un amas plus sombre). Là aussi, l’équilibre est obtenu par un subtil jeu de miroirs.
Pont en ruine par Hubert Robert – Troyes, Musée des Beaux-Arts
Parfois l’axe est moins évident, mais il existe. Dans le Pont (Musée Fabre) il est incliné, mais on retrouve une fois de plus l’arche du pont dans le ciel.
Le Pont par Hubert Robert – Montpellier, Musée Fabre
Dans Jardin d’une villa italienne, l’axe est incliné verticalement et de plus, le miroir subit un positionnement en tête-bêche. On peut retourner le tableau de 180°, les positions des triangles restent les mêmes.
Jardin d’une villa italienne par Hubert Robert – Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada
Le Vieux Pont est intéressant, car il utilise le même type de symétrie, mais en plus, le peintre a choisi de porter également la bâtisse de l’autre côté de l’axe, ce n’est pas flagrant au premier regard, mais les proportions y sont. Il est intéressant de voir comment Hubert Robert équilibrait ses images et utilisait le ciel pour le faire.
Le Vieux Pont (Le Ponte Salario) par Hubert Robert
Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection
Le cas du Canal est intéressant, la symétrie est double et la vue frontale expose parfaitement cette recherche de symétrie, cette fois entre le Canal et le ciel, la forme en V est donnée par la perspective et les arbres.
Le Canal par Hubert Robert – Paris, collection particulière
Les deux derniers exemples révèlent un autre effet que j’ai retrouvé fréquemment. Quand ce sont des arches, des ponts qui sont représentés, souvent, l’artiste peignait une petite zone de ciel bleu (un aplat de couleurs sans nuages) au sommet. Si on regarde attentivement le ciel, il est souvent construit en dégradé à l’intérieur des voutes, ce qui permet, d’une part, d’augmenter l’effet de la perspective et d’autre part, de mieux faire ressortir la courbe(enfin je suppose).
L’Ancien Portique de l’empereur Marc-Aurèle par Hubert Robert
Paris, Musée du Louvre, dépôt à l’ambassade de France à Londres
Caprice architectural avec un canal par Hubert Robert – Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage
Il s’agit ici de quelques exemples révélateurs (j’en ai repéré pas mal non mentionné), évidement, tous les tableaux d’ont pas ce type de construction, parfois plus subtile, parfois absente ou différente. Ce que je voulais démontrer ici, c’est le soucis qu’avait Hubert Robert dans la recherche d’équilibre et comment il y parvenait en créant un dialogue entre ciel et terre.
Un peu de lecture
Je vous conseille vivement la lecture du catalogue de l’exposition Hubert Robert 1733 – 1808 Un peintre visionnaire, exhaustif et passionnant 🙂
Références
- http://www.louvre.fr/expositions/hubert-robert-1733-1808un-peintre-visionnaire
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Robert
- Hubert Robert 1733 – 1808 Un peintre visionnaire aux éditions Somogy-Éditions d’art / Louvres Éditions – ISBN 9 782757 210642