Voilà longtemps que je me disais qu’il faudrait mettre cette histoire par écrit. Une histoire de liquide, de boisson la plus bue au monde juste après l’eau, le thé.
J’ignorais tout du thé avant 2009. De sa fabrication à sa dégustation, du thé c’était du thé pour moi. J’allais découvrir un monde dont j’étais à mille lieues d’imaginer son existence, un monde de voyage, de saveur incroyable dont je me régale depuis.
Quand j’ai débuté dans le monde professionnel (18 ans) je me suis très vite retrouvé à suivre naturellement le rythme ordinaire d’une entreprise et déjeuner (ou diner, version déjeuner midi suisse) au restaurant avec mes collègues. Plat du jour, eau minéral, la tradition veut qu’on termine le repas avec un café. Personnellement, j’évite le café, ça me rend très nerveux et je ne me sens pas bien quand j’en bois, donc, pour conclure le repas, je commandais (genre pour ne pas faire comme tout le monde, mais un peu quand même) un thé.
Le thé, cette liqueur de vieille dame, cette boisson brulante au goût amer servi dans la plupart des restaurants genevois et préparé par une firme au doux nom britannique : Lipton. Genève, c’est la capitale Lipton. La majorité des bistrotiers et cafetiers servent du Lipton et uniquement le sachet jaune, contribuant ainsi à l’appauvrissement mondial de la connaissance qu’on a de cette boisson millénaire.
Mais savez-vous ce qu’est réellement le thé ? Le nom de la plante pour commencer ? La plupart des gens savent que c’est le théier qui produit la feuille qui servira à produire cette boisson, beaucoup moins connaissent sont vrai nom: Le Camellia Sinensis. De la famille des Théacées il s’agit d’un arbuste des régions tropicales et subtropicales qu’on retrouve de plus en plus souvent dans nos régions (en Valais, il paraitrait même qu’il y a des cultures de thés), le théier est une sorte particulière de camélia, cette fleur qu’on a tous croisée dans nos parcs et jardins.
Tous les thés produits sur notre planète (sur les autres, je n’ai pas vérifié ^^) sont du Camellia Sinensis. Que le thé soit blanc, bleu, vert, noir, fumé, il s’agit toujours de la même plante, la seule exception « est pour le thé rouge (rooibos), qui lui est issu de l’acacia. Il existe deux types de théiers : Le « Camellia Sinensis Sinensis » et le « Camellia Sinensis Assamica ».
Je dois avouer que pendant longtemps j’ignorais totalement cette nuance et pourtant, elle est déterminante dans ce qu’est cette boisson. Lipton Yellow est fait à base de feuilles d’Assamica, autrement dit, le Lipton Yellow est un Assam et non pas un Sinensis pur. Il a été créé comme le dit la publicité par Sir Thomas Johnstone Lipton, un Britannique né en 1850 à Glasgow et adapté aux goûts des Anglais: avec un nuage de lait ^^
La « force » du thé est déterminée par sa « moulure ». Les feuilles peuvent être entières, roulées, broyées ou moulues. Le Lipton a été spécialement créé pour infuser vite et avoir un goût très fort (presque amer) et pour cause, il est fait pour être bu avec du lait, même qu’à mon avis, c’est totalement dégueulasse sans. J’ai connu quelques individus qui le buvaient infusé 10 minutes, sans lait et sucre, mais je crois que c’était plus pour se donner un style viril que réellement pour apprécier les subtilités du thé.
Revenons à notre restaurant. Je me retrouvais à la fin du repas, assis avec mes collègues, face à ma tasse de thé à 100° attendant patiemment qu’elle daigne refroidir à une température tolérable. C’est fou cette capacité qu’ont les bistrotiers à flinguer un repas en servant des boissons parfaitement mal préparées. Le café est généralement servi directement absorbable, on ne risque pas la brulure au troisième degré, mais pas le thé. Combien de fois ai-je dû partir en abandonnant ma tasse à moitié entamée pour ne pas arriver au bureau en retard ? C’est sociable, on déjeune entre collègues, on retourne au bureau entre collègues. Je crois que ça aurait été étrange si j’avais dit « partez devant, je vous rejoins dans 20 minutes quand j’aurai pu boire mon thé ». Le thé et le café ne sont pas compatibles.
À cette époque j’avais gentiment renoncé à la boisson de fin de repas. La préparation ratée additionnée de quelques brulures d’estomac avait eu raison de moi et de la motivation que j’avais du « thé ». Il faut dire que je ne connaissais rien d’autre que Lipton et son goût amer absolument ignoble, je ne mettais pas de lait, ah, si j’avais su ^^.
Bref, Les années passant, mon emploi évoluant, plus de temps libre m’étaient offertes. J’avais pris l’habitude d’aller prendre le thé avec un ami, amateur également, au Bio à Carouge. Là-bas, j’ai découvert un thé au jasmin particulièrement exceptionnel, non plus un Lipton, mais un Betjeman & Barton. C’est sur la terrasse du petit cinéma de quartier que j’ai la première fois expérimenté le temps d’infusion et fini par m’accorder sur une minute et quinze secondes pour le Jasmin. J’ai repris goût en le thé, j’avais découvert qu’il existait une variation de goût que j’ignorais jusque là.
Il y a environ 6 ans (en septembre 2009) je me suis rendu en vacances à Paris. J’avais dans l’idée d’explorer la capitale française et ses musées. À l’époque je ne faisais pas encore de « photo » comme aujourd’hui, je déambulais nonchalamment les rues et boulevards haussmanniens à la recherche d’exotisme ^^. Sur les conseils d’un ami, je me suis rendu chez un marchand de thé historique célèbre dans le Marais.
Mariage Frères, une boutique aux boiseries magnifiques située dans une petite rue discrète. Je m’en souviens tellement bien: la petite entrée de la boutique, ses vendeurs élégants en costume de lins, ses boites noires de thé un peu cabossé sur les étagères en bois vieilli et cette odeur, incroyable et caractéristique mélangeant toutes les essences de thé présentes. J’arrivais hésitant devant le comptoir ne sachant pas trop quoi dire.
– Bonjour, Monsieur, que désirez-vous ?
– Bonjour, j’aimerais acheter du thé ^^
– Vous avez peut-être une préférence ?
– Oui oui, j’aime bien le thé au jasmin
– Très bien, nous en avons sept.
C’est, je crois, là que tout a basculé. Le vendeur courtois et agréable a pris le temps d’un geste tournoyant et rodé, de me faire sentir différents thés tous plus étranges les uns que les autres. Le thé au Tibet, mélange de rose, bergamote et mandarine, Marco Polo, un thé parfumé aux fruits rouges ou encore l’Oriental qui d’une effluve vous fait changer immédiatement de continent.
La pâle définition que j’avais du thé venait d’être balayée par un ouragan, dévastant tout ce que je croyais savoir des odeurs et des goûts de cette boisson. Je me retrouvais pourtant confronté à un dilemme: le thé en vrac. Innocemment, je ne connaissais que le thé en sachet, et je ne me voyais pas du tout préparer le thé avec tout ce micmac matériel entendu (pince, théière, etc.). Je demandais donc au vendeur s’il n’avait pas « par hasard » ces mêmes thés en sachet. C’est à cette occasion que j’ai découvert un objet incroyable et fort pratique: le sachet vide jetable. Il se présente comme un sachet ordinaire, mais vide, qu’on peut remplir avec du thé en vrac comme bon nous semble. D’un coup, d’un seul, je regardais le mur de boites avec enthousiasme, c’est tout un univers qui s’offrait à moi.
Je ne me souviens plus combien j’en ai acheté ce jour-là, beaucoup. De retour à Genève, j’ai acheté des tasses et une théière (bodum) chez Manor et tranquillement, j’ai commencé mes expériences gustatives. De fil en aiguille j’ai fini par utiliser moins les sachets jetables et j’ai commencé à utiliser des pinces à thé. Plus économique et finalement plus pratique, boire du thé = zéro déchet.
Je suis retourné beaucoup de fois chez Mariage Frères et j’y passe toujours un excellent moment. D’un néophyte, j’ai fini par devenir un amateur aguerri et je continue d’apprendre et de faire des découvertes étonnantes sur les saveurs et la préparation. Ma petite collection personnelle s’est considérablement étoffée à un point où j’ai été obligé d’adapter le mobilier pour ranger toutes ces boites métalliques.
Le matériel
Le thé c’est de l’eau chaude dans un récipient. Le matériel utilisé n’a aucune importance du moment qu’on prend du plaisir à la préparer et à la boire. Chez moi, j’ai aussi bien des théières Betjeman & Barton en porcelaine que des tasses souvenirs rouges avec une croix blanche. Je crois qu’il y a un petit côté snobe à vouloir toujours boire son thé dans un service MF ciselé d’or, mais qu’en même temps, prendre le temps de préparer sa boisson avec un beau matériel, et bien ça fait vachement plaisir. Ce qui compte, ce n’est pas le matériel qu’on utilise, mais le cérémonial qu’on invente pour le préparer. Quand je voyage, depuis peu, à la gare Cornavin de Genève, un magasin Tekoé s’est ouvert. Ils y servent un thé « suisse » très intéressant et on peut acheter à l’emporter un gobelet de n’importe quel mélange proposé en boutique. Le thé voyageur ^^, ça me fait rêver quand je suis sur le quai de la gare, attendant mon train, sirotant un délicieux thé dans un verre en carton. Finalement, il ne tient qu’à vous de trouver les objets qui vous raconteront une histoire quand vous les utiliserez, peut importe le prix qu’ils valent, ce sont vos objets 🙂
La température
N’importe quel buveur de thé vous le dira, la température est primordiale. Un thé vert se prépare autour des 60° degrés et un thé noir entre 80° et 90° . Tout dépend du thé utilisé, il n’y a aucune règle générale et il faut adapter la température au cas par cas. Pour ma part, étant un grand buveur de thé noir, je prépare une eau à 80° ce qui convient la plupart du temps.
Je me rappelle d’une anecdote amusante à ce sujet, toujours chez Mariage Frères. Un jour, après avoir découvert que la température avait une importance, je m’étais mis en tête de trouver un thermomètre pour mesurer l’eau. Je demande au vendeur s’il n’avait pas en stock un objet de la sorte (j’imaginais déjà un truc élégant en verre doré très classe ^^)
– Je recherche un thermomètre pour l’eau, en avez-vous ?
– Un thermomètre ? Mais pour faire quoi ?
– Ben pour faire de l’eau à 80° ^^
– Mais monsieur, on n’a pas besoin de thermomètre pour faire de l’eau à 80°
– Ah ? Et comment vous faites avec une bouilloire qui ne fait que de l’eau à 100° ?!?
– C’est très facile, 4 tasses d’eau chaude et une tasse d’eau froide !
Voilà, je découvrais l’astuce ultime qui marcher même avec une bouilloire premier prix. Pas besoin de thermomètre, le bon sens avait une fois de plus triomphé 😀
La préparation
Comme je viens de l’écrire, le matériel importe peu. Le temps d’infusion est également à votre appréciation, certain aiment le thé très infusé, d’autre comme moi le préfère claire. Sachez seulement qu’un thé en vrac est souvent de meilleure qualité que ce qu’on trouve en sachet et que très peu suffisent pour une tasse (une demi-cuillère à (café)thé. La légende raconte qu’il faut 2 grammes par tasse, fiez-vous à votre instinct. Le thé est une boisson très économe.
L’eau
Là encore, on peut jouer les princes d’orient en n’utilisant que de l’eau de Volvic (qui m’a été chaudement recommandé par Betjeman & Barton) pour infuser son thé. Si l’eau courante chez vous est trop calcaire ou à un goût trop prononcé, ça peut être une solution, les bouteilles de Volvic 8 litres sont très pratiques. Je vous déconseille en revanche les carafes filtrantes qui sont d’une part onéreuse, d’autre part, souvent mal entretenues et le filtre serait (je n’ai pas creusé le sujet, à vérifier) cancérigène. Finalement un thé préparé avec l’eau du robinet, ce n’est pas si mal 🙂
Le stockage
Les vendeurs font en général des sachets de 100 grammes. Si comme moi vous avez beaucoup de thé, sur l’ensemble, ça fait vite beaucoup. J’ai fait le choix de systématiquement couper le sachet en deux et de stocker sous vide à la cave 50 grammes que j’utilise dès que j’ai terminé la première moitié. Une amie m’a appris dernièrement qu’on peut aussi le congeler, je n’ai pas essayé, mais me semble tout à fait possible.
Soyons honnêtes, les thés dits « parfumés » s’éventent vite. Le Marco Polo de Mariage Frères est un excellent exemple, c’est un des rares thés que je renouvelle chaque année, car il perd trop en saveur. En revanche, un thé dans lequel on a intégré des morceaux de choses (fruits, amendes, etc.) tient un peu plus longtemps (quelques années) sans trop de problèmes. Le thé pur peut se conserver très longtemps s’il est à l’abri de la lumière et des températures trop extrêmes. Je stocke tous mes thés dans des boites à thé en fer et en verre, car c’est plus pratique pour les retrouver et que j’ai remarqué que c’est comme ça qu’il y a le moins de problèmes.
Le sucre
Les puristes (déf.: illuminés qui croit tout savoir sur un sujet qu’il s’est approprié et dont il ignore tout) vous diront qu’on ne met pas de sucre dans le thé. Je suis plus modéré à ce sujet. Avec l’âge j’ai diminué chaque année la quantité de sucre que je mettais dans ma tasse, jusqu’au jour où ma superbe boule à sucre s’est retrouvée vide et que je n’ai plus jugé nécessaire de la remplir. Depuis je bois le thé sans sucre deux exception faite pour le thé menthe « à la marocaine » (Le Casablanca de MF par.) Que je sucre pour l’avoir dans « l’esprit original du pays » et le thé froid ou glacé.
Le citron
Je n’utilise du citron que lors de la préparation de thé au litre (froid ou chaud) et que je le sers en carafe transparente. Le citron (1 à 2 cuillères par litre) permet d’éviter que le liquide s’oxyde et garde tout ça légèreté visuelle. Objectivement, on ne sent pas du tout le goût du citron.
Le lait
J’ai quelques Assam de chez MF et ce sont les seuls thés que je prépare avec du lait pour garder l’esprit british ^^. J’avoue que les Assam en vrac sont bien meilleurs que les Lipton Yellow, mais aussi que je les prépare rarement.
Le thé froid
Aaaah, l’été, le dimanche, les oiseaux chantent le chat les mange, c’est beau l’été, le soleil brille et la chaleur aidant, on a vite envie d’une boisson rafraichissante. Toute mon enfance j’ai été éduqué au thé froid de la Migros (je suis certain que vous connaissez) ces briques au litre bleues/violettes de thé noir sucré. Avez-vous remarqué qu’il est pratiquement impossible de reproduire le goût de ce thé froid ? Normal, la recette est inattendue et c’est lors d’une dégustation encore chez Betjeman & Barton que je l’ai connu
« Le thé infuse aussi dans de l’eau froide, la seule différence c’est que ça prend plus de temps ». Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, mais ce fut une découverte. On peut préparer n’importe quel thé dans de l’eau froide (5°), mais au lieu d’infuser pendant deux minutes, ça prendra de 4 à 12 heures. Quand je prépare un « thé froid », j’utilise une carafe à thé Eva Solo disposant d’une immense infuseur. Je mets entre 4 et 12 grammes de thé (Le marchand préconise 15, je suppose ça fait vendre plus :P) et je place la carafe au réfrigérateur. J’ai eu l’occasion plusieurs fois de comparer, l’infusion à froid est spectaculaire, car le thé n’est jamais amer et il n’y a pas de théine, car elle est libérée uniquement à chaud. Le goût est incroyablement doux. Quand je le prépare pour des invités, j’ajoute 6 cuillères de sucre de canne liquide, quand c’est que pour moi, entre 3 et 4. Je finalise le tout avec une petite cuillère de jus de citron comme antioxydant.
Voilà pour ce qui est de la recette, petite astuce pour les Suisses, le thé « Migros » est reproductible très fidèlement avec un Thé noir Betjeman & Barton Dellawa GFOP. J’ai toujours une petite réserve à la maison 🙂
Le thé glacé
Évidemment quand on voit le temps qu’il faut pour préparer un thé froid, on a pas forcément envie de s’y prendre la veille. Pour ça je prépare le thé glacé (à la Mariage Frères, servi dans de très grands verres à pied). Pour ce faire, j’infuse le thé en théière et je le concentre un peu plus que d’habitude. Je le verse ensuite directement dans le verre rempli jusqu’en haut de glace. La température descend instantanément, j’ajoute un peu de sucre et une paille pour parfaire l’oeuvre 😀
Voilà
Comme j’ai titré ce long article, je bois du thé et je compte continuer. Contrairement au café qui n’offre aucune autre saveur que celle du café, le thé propose une palette de goûts, de saveurs et d’odeurs illimités. Avec le thé on voyage, on se souvient et on prend plaisir, c’est une boisson relaxante qui rééquilibre les idées bancales. Il est possible qu’ai commis quelques erreurs dans cet histoire, ne m’en veuillez pas, je ne suis pas un professionnel et j’ai essayé de partager avec vous ma propre expérience et découverte. n’hésitez pas à me signaler les erreurs que je corrigerais volontiers 🙂
Références